mardi 10 juin 2008

Youssef et ses voisins

Je m’étais promis de ne plus vous parler des colons. Ils ne sont que 500 ici ; il ne devrait donc y avoir aucune raison qu’ils squattent continuellement mon blog. Mais voilà, il n’y a pas un jour sans que l’un de ces extrémistes ne soit l’auteur d’une agression verbale ou physique. Toutes plus violentes les unes que les autres. Les limites de mon entendement s’en retrouvent constamment repoussées. Raison pour laquelle je ressens une nouvelle fois le besoin de prendre ma plume (puis mon clavier).

Cette fois-ci, c’est pour vous conter l’histoire de Youssef. Youssef, c’est le neveu de Hashem, un Palestinien qui nous invite régulièrement à boire le thé. Youssef, il a treize ans et profite actuellement des vacances qui viennent de commencer. Tout comme son tonton, il habite en contrebas d’une colonie israélienne. A une dizaine de mètres. Parmi ses voisins, il y a Baruch Marzel, ex-membre du Kach, organisation déclarée terroriste par l’Etat israélien. Il y a aussi Yifat Alcoby, que l’on peut voir à l’œuvre sur une vidéo disponible en ligne.

.Une série de containers derrière la maison de Hashem (au pr. plan) : c'est la partie visible de la colonie de Tel Rumeida où vivent une trentaine de familles juives.

Le 23 mars 2005, en fin d’après-midi, trois soldats demandent à Youssef, sa cousine et l’un de ses copains de déblayer des déchets que des colons ont abandonnés sur un chemin. Après quarante minutes de dur labeur arrive, en voiture, une femme colon. C’est l’une des voisines de Youssef. Elle se parque, sort de sa voiture en compagnie de trois de ses enfants. Tout en proférant des insultes à l’encontre de Mahomet, elle se met à lancer des pierres sur les trois enfants palestiniens. Deux d’entre eux parviennent à s’enfuir ; Youssef, lui, se griffe contre un barbelé puis cherche à courir autour de la voiture pour échapper à la femme colon. Mais cette dernière est plus rapide ; elle attrape le môme par le t-shirt et le pousse violemment contre un mur. Le seul soldat présent veut intervenir mais il est repoussé par la femme et se prend les pieds dans le barbelé. Tout en tenant fermement Youssef, elle prend alors une pierre dans la main, l’introduit dans la bouche du garçon puis presse avec force contre son menton afin de lui fermer la mâchoire et lui maintenir la bouche fermée. « Je n’arrivais pas à résister. J’ai senti mes dents se casser», confiera après coup Youssef. Le soldat, lui, reste à l’écart, occupé qu’il est à parler dans son talkie-walkie. Une fois son agression perpétrée, la femme colon remonte dans sa voiture et rentre chez elle.

Traumatisé, Youssef a fait des cauchemars pendant plusieurs mois. Aujourd’hui, il va mieux. Même beaucoup mieux. Il danse comme un dieu, marque des tas de paniers au basket et fait chavirer le cœur des demoiselles de son école.

Tout comme moi, vous devez certainement vous demander ce qu'il advenu de l’auteure de l’agression, comment la justice et les forces de l’ordre israéliennes traitent de ce genre de cas. Je vais donc tenter, dans mon prochain article, de faire un peu de lumière sur cette zone sombre de la politique de l’Etat hébreux en Cisjordanie.

Exemple de projectiles lancés sur la maison de Hashem.


1 commentaire:

Moyleang a dit…

Bonjour Jean-Marie!

J'ai enfin pris le temps de lire ton blog et je ne sais pas trop quoi te dire, mis à part chanter tes louanges pour la qualité de ta rédaction et la perspicacité qui t'est propre.

Cet article sur Youssef me touche particulièrement car je sais aussi à quel point tu te sens proche des enfants. Je vois que tes aventures sont plus que dures, alors courage!

Je voulais d'ailleurs te féliciter pour l'étonnant article rédigé avec brio dans La Liberté. J'étais toute fière de dire à mes amis que tu en étais l'auteur; même si la plupart d'entre eux ne lisent que Le Matin Bleu!

Sur ce, je me réjouis de te voir et que tu nous racontes tout ça de vive voix...

Tu manques quand même toujours aux dîners de famille, bien que tu en sois souvent le sujet :-)