lundi 16 juin 2008

A Hébron, on dégaine la caméra


Prime time à la télévision, première page de la presse écrite, vague d’émotion dans la société israélienne, condamnation de l’auteure de l’agression : en donnant, en janvier 2007, une caméra à la famille Abu Aysha à Hébron, B’Tselem ne pensait pas que le projet « Shooting back » qu’elle venait de lancer allait susciter tant de réactions. Il faut avouer que les images recueillies par cette famille, qui vit en face d’une colonie israélienne, laissent le spectateur pantois de dégoût. Collée contre le grillage protégeant la maison des Abu Aysha des jets d’ordures et de pierres, une colon juive répète inlassablement le mot « sharmuta » - putain – à sa voisine.

Sensibiliser le public israélien à la réalité de l’occupation était l’un des objectifs initiaux de « Shooting Back ». « Beaucoup d’Israéliens détournent le regard quand on évoque ce genre de questions. Sur ce coup-là, ce n’était pas possible », explique Diala Shamas, coordinatrice de projet. « Ils ont été surpris d’apprendre que leurs soldats laissent ce genre de chose se dérouler. Mais on a fait de cette colon juive un cas particulier qu’il fallait absolument sanctionner. Or, à Hébron, c’est loin d’être un cas isolé », poursuit la jeune femme, alors qu’elle étiquette les dernières cassettes.

Un espace d’expression

Raison pour laquelle les premières caméras ont toutes été distribuées dans cette ville, qui est la seule cité de Cisjordanie à compter des colons en son centre. « On s’est vite rendu compte que le conflit est très visuel », affirme la militante israélienne. Aujourd´hui, 25 familles hébronites ont été intégrées au projet. « Avec la caméra, on se sent un peu plus en sécurité », explique Hisham Abu Sa´ifan, qui vit en contrebas d’une des colonies. « Il arrive que les colons reculent quand on la met en marche. Mais pas toujours. Loin de là », soupire-t-il.

Alors qu’il est sur le point de poursuivre, trois soldats israéliens, suivi par un jeune colon, font irruption sur sa terrasse. Une fraction de seconde plus tard, Hisham Abu Sa’ifan et son ami ont sorti leur caméra pour filmer la scène. Même le journaliste présent n’est pas aussi rapide. Plus qu’une réaction, c’est un véritable réflexe. A Hébron, on ne sort pas sa caméra, on la dégaine.

Grâce à ces vidéos, déposer plainte est une démarche plus aisée et moins risquée. Mais, pour Hashem al-Azzeh, militant pacifiste de longue date, « les condamnations sont toujours aussi rares et notre quotidien ne s’est pas amélioré ». Pour Diala Shamas, si cette analyse n’est pas fausse, elle occulte néanmoins les effets indirects du projet : « Avant le lancement de notre projet, les habitants d’Hébron n’avaient pas d’espace d’expression. Désormais, ils sentent qu’ils ont un rôle à jouer ». Donner aux Palestiniens les moyens de partager la dureté de leur quotidien, c’est peut-être bien là la plus grande réussite de B’Tselem.

Voilà ce qui a été publié dans La Liberté du 17 juin. Il me reste néanmoins quelques infos dans ma sacoche au sujet de "Shooting Back". Notamment en ce qui concerne les effets secondaires du projet de B'Tselem

A Hébron, les Palestiens sont relativement divisés. On nous a parlé plusieurs fois d'une société divisée en clans familiaux. A tel point que, la semaine dernière, un conflit entre deux familles s'est terminé par des coups de feu et dans le sang. Pourquoi est-ce que je vous raconte cela? Parce que l'un des nombreux côtés positifs de "Shooting Back" est d'avoir réussi à créer un sentiment de solidarité entre les différents participants au projet. Ces derniers ont dû suivre ensemble des séances d'informations, des cours d'utilisation de la caméra et autres ateliers. L'occasion de voir des liens se développer. Des pères de familles qui ne s'adressaient pas la parole auparavant se téléphonent aujourd´hui pour échanger des infos. Et l'on ne parle même pas des jeunes qui se voient régulièrement pour partager des combines.
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Et les colons? Comment réagissent-ils à tout cela? Eh bien, comme l'avez remarqué, la dissimulation du visage est une de leurs tactiques de riposte. Mais pas la seule. Sachant qu'ils ont un poil plus de chances d'être condamnés, ils envoient au front ceux qui ne sont pas condamnables, c'est-à-dire les enfants de moins de 12 ans. De plus en plus fréquemment, ce sont des têtes blondes qui s'attaquent aux Palestiniens. Avec l'assurance de s'en sortir blancs comme neige. Magnifique exemple d'instrumentalisation de la jeunesse. A des fins violentes, qui plus est. B'Tselem travaille sur la problématique en ce moment.

Même s'il y aurait encore un tas d'histoires à raconter sur le sujet, je vais m'arrêter là et vous laisser aller à la découverte des autres vidéos de B'Tselem.

2 commentaires:

Stephane a dit…

Félicitation pour avoir fait la Une de La Liberté!!!

ElPatu a dit…

Felicitations pour ton article, effectivement. J'en retiendrai, paradoxalement, la petite lueur d'espoir qui l'habite: Même si c'est pas grand chose, que les grands médias israeliens commencent à parler de ces exactions, c'est déjà un pas.

courage en tout cas, et bravo pour la bonne tenue de ton blog, vieux pellatch'.