lundi 7 juillet 2008

Croiser le fer avec des étudiants

Histoire de pouvoir mettre des shorts ( !), de rencontrer d'autres Israéliens que ceux que l'on côtoie au quotidien - les soldats et les colons - et de découvrir le point de vue de ceux qui vivent de l'autre côté du mur de séparation, nous avons passé une semaine en Israël. Entre la visite de Yad Vashem (musée historique de l'Holocauste), un après-midi passé dans un authentique kibboutz et des tas d'autres combines, nous nous sommes entretenus avec une trentaine d'étudiants de l'Université hébraïque de Jérusalem. Eh bien, cette rencontre à l'allure très formelle fut le haut fait de la semaine de Jamal de la Basse.

Tout avait été parfaitement prévu. Guidés par deux étudiants en droit, nous avons commencé par faire la visite de l'Alma Mater. Gentil, joli. Démarrage en douceur ponctué par un petit rafraîchissement. Nous nous sommes ensuite assis par groupe de six et avons appris à nous connaître un peu mieux. Seule contrainte : ne pas parler de « politique ». Sympa. Nous avons notamment découvert qu’en Israël, cela fricotte sérieux sous les drapeaux. De nombreux couples naissent au cours du service militaire. Pour la petite histoire, les hommes ont trois ans de service obligatoire, les femmes deux.


Après ces 45 minutes premières minutes d’échauffement, nous avons mis le bleu de travail, remonté nos manches et sommes partis à la mine…c’est-à-dire, échanger nos points de vue sur la situation de la région. Nettement moins sympa mais très intéressant. Et fort difficile à résumer.

L’un des éléments qui m’a le plus marqué est le climat de peur dans lequel semble vivre les Israéliens. Une peur parfois irrationnelle, une peur souvent instrumentalisée mais une peur toujours réelle. Lotim, étudiante en droit adorant l’équitation, nous a confié que, même si cela allait de mieux en mieux, prendre le bus restait une épreuve pour elle. Il n’y a encore pas si longtemps de cela, elle descendait du bus sitôt qu’elle entendait quelqu’un parler avec « un accent bizarre ». Elle ne compte plus les rendez-vous et les cours auxquels elle est arrivée en retard. Oded, étudiant en philo et ancien démineur à l’armée, nous a, lui, expliqué la règle des ambulances : « Si tu en entends une, c’est un simple accident de la route. Si tu en entends deux, c’est un accident de la route plus important. Si tu en entends trois, c’est un bon carambolage. Et si tu en entends quatre, il faut te faire du souci pour tes proches, car c’est un attentat ».

31 juillet 2002, attentat à l'Université hébraïque: neuf morts, près d’une centaine de blessés. La vie continue, mais pas vraiment comme avant. D'où l'arbre qui pousse en diagonale.


La peur des attentats donc. Mais aussi la peur de voir leur pays imploser. Pour Oded, les divisions internes pourraient mener l’Etat hébreu à sa perte. Le « désengagement » de Gaza a créé de très importantes tensions au sein de la population israélienne, des tensions que nos interlocuteurs n’aimeraient pas devoir affronter à nouveau. « Evacuer les colons de Cisjordanie, c’est provoquer une guerre civile », a affirmé l’étudiant en philo. Tout comme la sécurité, l’unité (parfaite) de la nation nous a semblé être un absolu qui justifie tous les agissements.

D’autant plus facile à justifier et à appuyer que leurs conséquences sont méconnues d’une grande partie des citoyens israéliens et des étudiants avec qui nous avons croisé le fer. Ces derniers ne connaissent que très mal la réalité de l’occupation. Ils sont persuadés que chaque check point est là pour les protéger d’un possible attentat. Ils sont certains que les soldats qui humilient les Palestiniens ne représentent qu’une infime minorité des effectifs de Tsahal. « Il y a des moutons noirs partout », nous a-t-on dit. Ils sont convaincus que chaque maison que l’armée détruit était habitée par un terroriste. Des certitudes bien loin de la réalité du terrain.

Dans ces conditions, il a été très difficile de se lancer dans la recherche de solutions, dans des pseudo négociations de paix. Sans surprise, le droit international n’était pas, pour la majorité de ces étudiants, une base sur laquelle il vaut la peine d’engager les débats. Ils le considèrent bien plus comme une grande farce, voire comme un instrument de lutte contre Israël.

Cette intense discussion officiellement terminée, nous sommes allés manger. Souper facultatif pour les étudiants ; ils sont pour ainsi dire tous venus. Pas si bornés que cela. Bilan partiel de la rencontre :

  • La porte n’est pas complètement fermée mais faut être sacrément costaud pour l’ouvrir.
  • Je ne serai jamais un diplomate.
  • J’ai eu envie de mettre mon poing sur le nez d’Oded.
  • Oded va passer quelques mois à Lyon ; je vais peut-être aller skier avec lui.

2 commentaires:

Ipodfan a dit…

Même si cette discussion ne fut peut-être pas aussi constructive que tu l'aurais désiré, elle nous apporte de fort intéressantes informations sur la façon de voir les choses du côté israélien. Finalement c'est bien qu'ils aient pu s'exprimer par l'intermédiaire de ton blog.

Ipodfan a dit…

Je m'étonnais, à la lecture de ton récit, de ta manière presque enjouée de t'exprimer. Mais tes conclusions m'ont d'abord fait sourire puis m'ont remis les yeux en face des trous!! C'est bien ainsi.