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vendredi 21 novembre 2008
C'est l'histoire d'un âne
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mardi 19 août 2008
Le retour de Jamal
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samedi 26 juillet 2008
Des grands-mamans face aux soldats
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Elle s’est assise dans un fauteuil en face moi ; j’avais pris place sur le canapé. Dans le coin. Intimidé le bonhomme ? Pas qu’un peu. Intimidé par la détermination, le dévouement, l’intransigeance, le charisme du personnage. Mais aussi par son passé. Si Hanna Barag fait aujourd’hui partie des militants les plus acharnés contre l’occupation, elle fut – il y a plus de quarante ans – la secrétaire du Premier Ministre David Ben Gourion et du Chef d’Etat major Moshe Dayan. Une période de sa vie qu'elle n'a pas jugé pertinent d'aborder pendant l'entretien. En d'autres termes, je me suis fait remballer propre en ordre.
Pendant l’entretien, son téléphone a sonné quatre fois – des Palestiniens qui demandaient de l’aide. Elle a chaque fois repris la conversation exactement là où elle l’avait laissée. Pas eu besoin de la relancer. Nul besoin non plus de lui poser beaucoup de questions ; elle a parlé pendant deux heures sans discontinuer.
Quelques courts et décousus extraits de l'entretien
« L’aventure Machsom Watch a débuté en décembre 2001 pour moi. Avant cela, je n’étais pas, pour des raisons personnelles, engagée politiquement. Arrivée à la retraite, j’ai cherché un travail temporaire. Je suis tombée sur une femme qui m’a proposé de l’accompagner lors de son prochain déplacement au check point de Qalandiya. J’y suis allée et en suis revenue choquée par ce que j’avais vu. J’ai décidé de renouveler l’expérience le week-end suivant. Tombée malade – certainement une réaction de mon corps à ce que j’avais vu et allais voir – j’ai dû patienter deux semaines avant de retourner jouer le rôle d’observatrice. Au « Container » check point cette fois-ci. Un check-point situé à une dizaine de kilomètres à l’Est de Jérusalem, au sommet d’une route très pentue. Ce jour-là, il neigeait, pleuvait, soufflait ; des conditions terribles et un spectacle surréaliste. Une attente interminable pour des Palestiniens humiliés, insultés, parfois frappés par les soldats. Un vieillard qui, quittant certainement Jérusalem pour aller passer les fêtes de fin d’année avec sa famille, a été contraint de passer le check point à pied en portant une grosse valise. Dans la descente, il a chuté et glissé sur plusieurs dizaines de mètres pendant que sa valise dévalait la pente en roulant. Il est venu s’écraser contre des gens qui attendaient de pouvoir quitter les lieux en taxi. Ce fut pour moi un tournant. Jusque là, je ne comprenais pas vraiment ce que représentait l’occupation. J’étais bien plus naïve que je ne le suis maintenant ».
Aujourd’hui, elle assure chaque dimanche une présence à un check point ; à Huwara le plus souvent. De plus, elle essaie de se rendre à chacun des check points situé en Cisjordanie au moins une fois dans l'année. « Car, quand un Palestinien m’appelle et me parle avec le peu d’hébreu qu’il connaît, je dois être en mesure de deviner où il se trouve ». Quand je lui demande combien de coups de téléphone elle reçoit chaque jour, elle me dit qu’elle vient de faire des statistiques et, sans hésiter, m’annonce : « 872 coups de fil depuis le début de l’année. Dont 99,5% de Palestiniens ».
«Je suis fière d'être israélienne»
« A partir du moment où je vote, je suis responsable. D’autant plus responsable qu’en 1967, je faisais partie de ceux qui criaient de joie. J’ai été prise dans l’euphorie collective. (…) Je suis sioniste, je suis fière d’être israélienne, j’aime mon pays, ma langue, ma terre. Et j’estime, que notre Etat, l’Etat juif a le droit à l’existence. Mais dans les frontières de 1967. Pour moi, le vrai sionisme, c’est de lutter pour la paix, pour une solution pacifique. Et contre l’occupation. (...) J’estime qu'il est de mon devoir de dire aux Israéliens que leurs enfants font quelque chose d’immoral ».
« Entre les soldats le mot se passe»
Par les soldats israéliens, elle se dit considérée comme une « traître ». « Pour eux, on apprend aux Palestiniens à tricher ». Elle se sait mal perçue mais elle estime néanmoins avoir un « extraordinaire (tremendous) pouvoir » sur eux. « Ils me connaissent, ils sont informés des relations que j’entretiens avec leurs supérieurs. Le mot se passe. Ceux qui ont déjà été remis à l’ordre suite à l’une de mes interventions le font savoir à leurs camarades ». Mais d’où tire-t-elle cet « extraordinaire pouvoir » ? « Je suis parvenue, au fil des années, à développer un réseau de connaissances dans la hiérarchie militaire. Ceci me permet, aujourd’hui, d’appeler, en cas de problème, des officiers à n’importe quelle heure de la journée et de la nuit ». Elle illustrera tout cela par une anecdote.
« Un jour, en fin d’après-midi, un Palestinien, qui rentrait chez lui en voiture avec sa famille, se voit empêcher, par un soldat, de passer le check point qui barre l’entrée de la ville où il habite. Aucune raison ne lui est donnée. Avertie, une membre de Machsom Watch appelle la Hotline de l’armée. On la rappelle quelques minutes plus tard pour lui dire que, d’après les renseignements recueillis auprès du soldat en place au check point, il n’y a pas de Palestinien qui cherche à passer. Elle rappelle le Palestinien qui lui assure qu’il ne lui ment pas. Elle décide alors d’aller sur place…pour constater que la famille palestinienne est effectivement toujours bloquée. Alors que la nuit est tombée depuis plusieurs heures, elle recompose le numéro de la Hotline : même discours. Il est minuit passé quand je suis mise au courant. Sans hésiter, je téléphone au commandant de l’unité en charge de la région où se situe le check point. Je le réveille. Quelques minutes plus tard, le Palestinien et sa famille ont pu rentrer chez eux ».
Mais comment a-t-elle réussi à développer un tel réseau de connaissances ? « Cela a pris du temps. Je me suis toujours comportée correctement avec les soldats. Je ne joue jamais le jeu de la provocation, je ne rentre jamais dans un conflit avec eux. Je leur dis que je peux comprendre certains des impératifs auxquels ils font face et je ne leur fais pas connaître le fond de ma pensée. Je leur laisse une chance de ne pas grimper au rideau immédiatement (stay on earth and not climb on a tree) ». En parlant des soldats, elle dira : « Du moment que l’on ne peut pas les combattre, il faut s’allier à eux (if you can’t fight them, join them) ».
«Nous faisons toutes face à un conflit de conscience terrible»
« En coopérant avec l’armée, on ne met pas fin (finish) à l’occupation, on la rend juste un peu plus acceptable (better). On aide même à la rendre permanente. Mais je n’ai pas encore trouvé de meilleur moyen d’aider les gens qui en souffrent. Nous faisons de l’humanitaire ; il faudrait être une organisation à des fins politiques uniquement si l’on ne voulait pas se fourvoyer. (...) Comme vous pouvez le constater, nos objectifs politiques sont bien loin d’être atteints. J’en fais des nuits blanches. En fait, nous faisons toutes face à un conflit de conscience terrible. Il y a beaucoup de frustration d'où des disputes très fréquentes entre nous. Même si cela s’est amélioré au fil des années, nous ne faisons que de nous prendre de bec. Certaines ont d’ailleurs quitté le navire à cause de cela ».
«Tous les Arabes veulent nous tuer»
« Les Israéliens ont tous droit un lavage de cerveau. Il y a quelques jours, ma petite-fille de quatre ans était à côté de moi lorsque j’ai reçu un appel d’un Palestinien. « Qui sont ces gens qui te téléphonent. C’est des amis à toi ? », m’a-t-elle demandé. « Pas vraiment. C’est des connaissances ». « Mais pourquoi tu leur parles alors ? » « Parce ils ont parfois besoin d’aide ». « Ca doit être des Arabes. Fais attention grand-maman car tous les Arabes veulent nous tuer ». Je me suis directement rendue à son jardin d’enfants et j’ai demandé à la maîtresse si c’était elle qui lui avait appris ce genre de choses. Elle m’a dit que non. Je me suis rendu compte que c’était ce que les enfants retenaient des différentes fêtes religieuses. On ne leur parle que de persécution du peuple juif. Ils passent par un processus de victimisation ».
«J'ai quatre frères fascistes»
«Plusieurs de mes amis ont coupé les ponts avec moi depuis 2001. Mais j’en ai trouvé d’autres. Même si l’on est souvent en train de se disputer, une grande solidarité s’est développée entre les membres de l’organisation. Du côté de ma famille, la situation n’est pas facile. J’ai quatre frères fascistes que j’aime mais avec qui je ne peux pas parler de mon quotidien de militante. Lors des réunions de famille, je n’aborde pour ainsi dire jamais les problématiques qui m’occupent le reste de la semaine. Aucun de mes frères ne m’a appelée après ce qui m’est arrivé à Hébron (ndlr. la veille de l’entretien, Hanna Barag et le groupe qu’elle guidait ont été pris à partie par des colons et ont dû, sur ordre de police, rebrousser chemin. Un événement dont ont parlé les principales chaînes radiophoniques). Aucun de mes frères n’a pris de mes nouvelles. C’est moi qui ai appelé l’un d’entre eux qui ne s’est même pas réjoui du fait qu’il ne m’était rien arrivé. Il m’a dit que je lui faisais honte».
lundi 14 juillet 2008
Moyline et le miracle de l'ordi

Hébron, son climat pesant, sa tension. Moyline rumine tout cela sur Suhahda street, rue interdite aux Palestiniens
« Dans la file d'attente, une première femme me pose poliment des questions, tout en examinant mon passeport.
- Quelle est la raison de votre séjour en Israël ? - Tourisme.
- Avez-vous rendu visite à quelqu’un ? - Non.
- Vous voyagez donc seule ? - Oui.
- Quelles villes avez-vous visitées ? - Tel-Aviv, Jaffa, Jerusalem.
- Quelle est votre destination ? - Genève.
- Est-ce que vous avez fait vous-même vos bagages ? - Oui.
La femme colle ensuite des étiquettes sur mon passeport et mes bagages. Sur ces étiquettes figurent un numéro : le 5, qui indique le niveau de dangerosité du voyageur. Jean-Marie m’avait prévenue qu’il ne fallait pas être déstabilisée par le ton désagréable que peuvent avoir les agents de sécurité pour s’adresser aux voyageurs. Comme ce n’a pas été le cas avec cette dame, je passe au deuxième poste de contrôle, soulagée.
Je dépose alors ma valise, mon sac à main et l’ordinateur portable sur le tapis roulant de la machine à rayons X. Je récupère mes affaires et me dirige vers d’autres agents de sécurité postés derrière une table. Deux femmes me questionnent à nouveau. Mêmes questions que la première fois, sur un ton nettement moins amical. Une troisième femme reprend le portable pour le contrôler une seconde fois. Je lui dis que cela a déjà été fait et que, de toute façon, il ne fonctionnait pas. Et c’est là que les choses ont mal tourné. S’ensuit un long interrogatoire. Des questions fusent de part et d’autre des agents que j’ai en face de moi (4-5 personnes en tout). Les mêmes questions qu’au départ, puis d’autres, plus ou moins pertinentes, le but étant de me déstabiliser au cas où j’avais quelque chose à cacher.
- Depuis quand votre ordinateur ne fonctionne-t-il plus ? Est-ce qu’il vous appartient ? Connaissez-vous bien votre ami ? Comment s’appelle-t-il ?
(En tombant sur un livre intitulé « Israël, Palestine. Vérités sur un conflit ») - De quoi parle ce bouquin ? Pourquoi ça vous intéresse ? Vous parlez l’arabe ? L’hébreu ?
- Quelles villes avez-vous visitées ? Quels sites touristiques avez-vous vus ?
- Avez-vous rendu visite à quelqu’un ? Pourquoi êtes-vous venue en Israël maintenant, et pas une année avant ou après ?
- Où avez-vous logé ? Le nom de l’hôtel ? Quel bus preniez-vous pour aller à l’hôtel ? Comment l’avez-vous trouvé ? Vous avez un guide ? Sortez-le. Montrez-moi où se trouve l’adresse de l’hôtel en question.
Une autre personne fouille ma valise, sort tous les objets, en remet une partie à l’intérieur et m'ordonne « Remettez le reste de vos affaires dans la valise ». Elle me pose aussi des questions. Verdict: tant que l’ordinateur ne fonctionne pas, je ne pourrai pas le ramener en Suisse. Ils vont donc le garder 24 heures. Je devrai aller le déclarer au Service litige bagages de Genève pour le récupérer le lendemain. Exaspérée, je fusille l’agent des yeux. Elle me répond « C’est une démarche normale ici. C’est pour la sécurité. »
Une heure après être entrée dans l’aéroport, je peux enfin aller à l’enregistrement. Une des agents m’accompagne. Elle me dit qu’elle va me suivre jusqu’au contrôle des passeports, ainsi je pourrai éviter le dernier contrôle de sécurité. Je lui dis que je ne souhaite pas y aller tout de suite, qu’un ami m’attend dehors. Je n’ai pas le choix: je dois dire au revoir à cet ami maintenant. Je pose ma valise, me dirige vers la sortie quand je l’entends me dire « Attendez, je viens avec vous ». Suivie de près par cet agent, tendue et au bord des larmes, je rejoins Jean-Marie. Nos adieux se résumeront à une étreinte courte et amicale sous l’œil bienveillant de notre agent, postée à un mètre de nous et à l’écoute de nos paroles.
Quatre jours plus tard, la poste me livre l’ordinateur. Miracle, il fonctionne parfaitement. Un grand merci aux autorités israéliennes. »
Sortir du pays n’a pas été chose aisée pour Moyline
Sachez que ce qui est arrivé à Moyline n’a rien d’exceptionnel. D’après les différents témoignages que j’ai entendus, elle s’en est même bien sortie. Certains n’ont jamais revu leur ordinateur.
Reste à savoir à quelle sauce et pendant combien de temps je vais me faire cuisiner dans deux semaines. Une chose est sûre : ça sent méchamment le roussi.
lundi 7 juillet 2008
Croiser le fer avec des étudiants
Tout avait été parfaitement prévu. Guidés par deux étudiants en droit, nous avons commencé par faire la visite de l'Alma Mater. Gentil, joli. Démarrage en douceur ponctué par un petit rafraîchissement. Nous nous sommes ensuite assis par groupe de six et avons appris à nous connaître un peu mieux. Seule contrainte : ne pas parler de « politique ». Sympa. Nous avons notamment découvert qu’en Israël, cela fricotte sérieux sous les drapeaux. De nombreux couples naissent au cours du service militaire. Pour la petite histoire, les hommes ont trois ans de service obligatoire, les femmes deux.

Après ces 45 minutes premières minutes d’échauffement, nous avons mis le bleu de travail, remonté nos manches et sommes partis à la mine…c’est-à-dire, échanger nos points de vue sur la situation de la région. Nettement moins sympa mais très intéressant. Et fort difficile à résumer.
L’un des éléments qui m’a le plus marqué est le climat de peur dans lequel semble vivre les Israéliens. Une peur parfois irrationnelle, une peur souvent instrumentalisée mais une peur toujours réelle. Lotim, étudiante en droit adorant l’équitation, nous a confié que, même si cela allait de mieux en mieux, prendre le bus restait une épreuve pour elle. Il n’y a encore pas si longtemps de cela, elle descendait du bus sitôt qu’elle entendait quelqu’un parler avec « un accent bizarre ». Elle ne compte plus les rendez-vous et les cours auxquels elle est arrivée en retard. Oded, étudiant en philo et ancien démineur à l’armée, nous a, lui, expliqué la règle des ambulances : « Si tu en entends une, c’est un simple accident de la route. Si tu en entends deux, c’est un accident de la route plus important. Si tu en entends trois, c’est un bon carambolage. Et si tu en entends quatre, il faut te faire du souci pour tes proches, car c’est un attentat ».

31 juillet 2002, attentat à l'Université hébraïque: neuf morts, près d’une centaine de blessés. La vie continue, mais pas vraiment comme avant. D'où l'arbre qui pousse en diagonale.
La peur des attentats donc. Mais aussi la peur de voir leur pays imploser. Pour Oded, les divisions internes pourraient mener l’Etat hébreu à sa perte. Le « désengagement » de Gaza a créé de très importantes tensions au sein de la population israélienne, des tensions que nos interlocuteurs n’aimeraient pas devoir affronter à nouveau. « Evacuer les colons de Cisjordanie, c’est provoquer une guerre civile », a affirmé l’étudiant en philo. Tout comme la sécurité, l’unité (parfaite) de la nation nous a semblé être un absolu qui justifie tous les agissements.
D’autant plus facile à justifier et à appuyer que leurs conséquences sont méconnues d’une grande partie des citoyens israéliens et des étudiants avec qui nous avons croisé le fer. Ces derniers ne connaissent que très mal la réalité de l’occupation. Ils sont persuadés que chaque check point est là pour les protéger d’un possible attentat. Ils sont certains que les soldats qui humilient les Palestiniens ne représentent qu’une infime minorité des effectifs de Tsahal. « Il y a des moutons noirs partout », nous a-t-on dit. Ils sont convaincus que chaque maison que l’armée détruit était habitée par un terroriste. Des certitudes bien loin de la réalité du terrain.
Dans ces conditions, il a été très difficile de se lancer dans la recherche de solutions, dans des pseudo négociations de paix. Sans surprise, le droit international n’était pas, pour la majorité de ces étudiants, une base sur laquelle il vaut la peine d’engager les débats. Ils le considèrent bien plus comme une grande farce, voire comme un instrument de lutte contre Israël.
Cette intense discussion officiellement terminée, nous sommes allés manger. Souper facultatif pour les étudiants ; ils sont pour ainsi dire tous venus. Pas si bornés que cela. Bilan partiel de la rencontre :
- La porte n’est pas complètement fermée mais faut être sacrément costaud pour l’ouvrir.
- Je ne serai jamais un diplomate.
- J’ai eu envie de mettre mon poing sur le nez d’Oded.
- Oded va passer quelques mois à Lyon ; je vais peut-être aller skier avec lui.
samedi 28 juin 2008
Expulsions en série
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Début du 18e siècle, des Palestiniens qui ne roulent pas sur l'or quittent leur village natal, s’achètent du terrain dans les collines au sud d’Hébron et s´y installent. Habitant dans des caves naturelles, vivant de la culture d’un sol pauvre et de l’entretien de leur bétail, ces familles développent au fil des générations un mode de vie unique (et dont l’étude fait le bonheur des anthropologues). Ainsi, pendant plus d’une centaine d’années, la vie des habitants de Susiya a tout d'un long fleuve tranquille (au vu l’aridité des terres, il serait plus judicieux de parler d’un ruisselet).
Tout bascule en 1983, lorsque des colons israéliens viennent s’installer dans le coin, plus précisément à deux kilomètres d’un site archéologique où a notamment été découvert une ancienne synagogue. En 1986, les nouveaux arrivants voient leur vœu exaucé : les familles palestiniennes dont ils sont devenus les voisins sont expulsées. Mais la plupart d’entre elles reviennent s’installer à 500 mètres de la colonie. Bien trop près pour les colons juifs ; une nuit de 1990, les Palestiniens sont contraints, par des soldats de Tsahal, de monter dans des camions et sont déchargés 15 kilomètres plus loin.
Les familles se retrouvent ventilées un peu partout mais certaines d’entre elles trouvent les moyens de revenir à Susiya et de se remettre au travail. Pendant ce temps, les colons grignotent et confisquent du terrain. Ils se montrent de plus en plus violents. La tension monte. En 1991, trois Palestiniens sont assassinés. En 1997, les familles sont expulsées pour la troisième fois. En 2001, c’est un colon qui est tué. Les habitants de Susiya qui rejettent toute responsabilité dans cette affaire et dont la culpabilité n’a jamais pu être prouvée, sont agressés, des oliviers sont abattus, une partie de leur bétail disparaît, leurs caves sont détruites et leurs puits bouchés.
La même année, la Haute Cour de justice israélienne juge l’expulsion des Palestiniens illégale et les autorise à revenir sur leurs terres. Mais les soldats ne l’entendent pas de cette oreille et les empêchent de se réinstaller. Certains y parviennent tout de même mais sont immédiatement chassés. Expulsion numéro 4.
N'ayant pas accès au réseau électrique auquel est relié la colonie voisine, la famille Nawajah peut compter depuis peu sur des panneaux solaires et une éolienne installés par une organisation israélienne.
Comme annoncé, article touffu. Beaucoup de faits présentés, et pourtant, je m’en suis tenu qu'aux plus importants. La confiscation des ressources hydrauliques, le blocage des accès routiers, le harcèlement des soldats,…ce sera pour une autre fois.
Une sacrée bouffée d'air
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Photo prise à une autre occasion: ma collègue Linda en compagnie de la maman et trois de ses filles (mais sans la plus âgée)
A ma plus grande surprise, la discussion s’est rapidement déplacée sur le terrain des relations entre hommes et femmes. Nos interlocutrices étaient curieuses de savoir comment tout cela fonctionne dans nos pays respectifs et je dois avouer que la réciproque était en tout cas aussi vraie. La plus jeune des filles nous a dit qu’elle détestait porter le voile car elle se trouvait nettement plus séduisante sans ce dernier. Je confirme. La plus âgée nous a confié que son fiancé n’a vu ses cheveux pour la première fois qu’après les fiançailles (et donc le consentement des parents). Il ne les a trouvés que plus beaux, nous a-t-elle avoué. Je comprends. Devant une maman qui prétendait condamner mais approuvait pleinement, les deux demoiselles nous ont détaillé l’éventail de techniques à disposition d’une fille qui essuie un refus de ses parents lors de la présentation de son amoureux. Roméo et Juliette ? Des gamins.
Au fil de la discussion, nous avons compris que, si la famille de Bassam était progressiste, elle nageait sérieusement à contre-courant. Ici, à Hébron, la majorité de la population est conservatrice, la pression de la société importante et la marge de manœuvre des femmes réduite. Certaines ne peuvent pas exprimer leur opinion au moment du choix de leur futur époux. Et celles qui en ont l’occasion doivent souvent faire des concessions et faire une croix sur la rencontre du prince charmant. La plus âgée des filles nous a dit qu’elle avait, elle aussi, dû faire une concession. « Laquelle ? », lui ai-je demandé. « Mon fiancé est pauvre ». Silence. « Mais c’est le dernier de mes soucis ». Sourire.
Une sacrée bouffée d’air cette soirée qui s’est terminée à 23h30 ; autant dire au milieu de la nuit pour les gens du coin.
lundi 23 juin 2008
A visionner
lundi 16 juin 2008
Yehuda réduit au silence
Dictant à la police la manière d'opérer: Baruch Marzel et Anet Cohen, deux des colons les plus radicaux et violents d'Hébron. Anet Cohen est la femme qui s'était couchée sous le bus lors d'une précédente visite.

Certaines femmes colons n'ont pas hésité à utiliser leurs enfants pour bloquer le passage du bus

Voilà ce que B'Tselem appelle "Shooting Back and Forth". Désormais, les colons filment et photographient en permanence. Souriez, s'il vous plaît.
A l'écoute de la population locale
A Hébron, on dégaine la caméra

Sensibiliser le public israélien à la réalité de l’occupation était l’un des objectifs initiaux de « Shooting Back ». « Beaucoup d’Israéliens détournent le regard quand on évoque ce genre de questions. Sur ce coup-là, ce n’était pas possible », explique Diala Shamas, coordinatrice de projet. « Ils ont été surpris d’apprendre que leurs soldats laissent ce genre de chose se dérouler. Mais on a fait de cette colon juive un cas particulier qu’il fallait absolument sanctionner. Or, à Hébron, c’est loin d’être un cas isolé », poursuit la jeune femme, alors qu’elle étiquette les dernières cassettes.
Un espace d’expression
Raison pour laquelle les premières caméras ont toutes été distribuées dans cette ville, qui est la seule cité de Cisjordanie à compter des colons en son centre. « On s’est vite rendu compte que le conflit est très visuel », affirme la militante israélienne. Aujourd´hui, 25 familles hébronites ont été intégrées au projet. « Avec la caméra, on se sent un peu plus en sécurité », explique Hisham Abu Sa´ifan, qui vit en contrebas d’une des colonies. « Il arrive que les colons reculent quand on la met en marche. Mais pas toujours. Loin de là », soupire-t-il.

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samedi 14 juin 2008
A la batte de baseball

jeudi 12 juin 2008
Israël, les colons et la loi
D’une part, les soldats ne s’interposent que rarement lors d’agressions perpétrées par des colons. Quant à la police, qui ne se déplace pas systématiquement, elle met généralement beaucoup de temps à arriver sur les lieux du crime. A noter qu’un tiers des policiers vit dans des colonies.
D’autre part, ceux qui choisissent de déposer plainte font face à de nombreux obstacles administratifs. Bien des postes de police se trouvent à l’intérieur même des colonies, un endroit difficilement accessible pour les Palestiniens. La déposition est généralement rédigée en hébreux ; la victime n’a donc pas les moyens de contrôler si ses déclarations ont été correctement enregistrées. Il faut également faire fi de la crainte des représailles qui accompagnent certains dépôts de plaintes. Représailles orchestrées par les forces de l’ordre ou par les colons et qui, dans ce deuxième cas, peuvent prendre la forme d’un passage à tabac. Ainsi, beaucoup de Palestiniens rechignent à déposer plainte.
Et lorsqu’ils le font, ils ne peuvent guère compter sur une investigation menée en bonne et due forme. Elle est le plus souvent bâclée. Les alibis des agresseurs ne sont pas vérifiés, les témoins ne sont pas entendus. Un policier venu photographier une structure construite par les colons sur une propriété palestinienne n'a pas pu le faire; la carte mémoire de son appareil photo était pleine! Il arrive également que des dossiers soient carrément perdus.
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Femme palestinienne attaquée par deux colons (photo AFP)
Les enquêteurs de Yesh Din ont pu constater que 90% des dossiers qui sont ouverts suite à une agression commise par un colon sont refermés sans que l’auteur du crime n’ait à répondre de ses actes devant la justice. Pour les 10% restants, la condamnation est rarement lourde. En 2001, un colon, qui avait battu à mort un Palestinien de 11 ans avec la crosse de son fusil, a été condamné à six mois de travaux communautaires et 70'ooo shekels d'amende (21'8oo FS). Les juges ont estimé qu 'ils s'agissait d'un homicide par négligence..
mardi 10 juin 2008
Youssef et ses voisins

Cette fois-ci, c’est pour vous conter l’histoire de Youssef. Youssef, c’est le neveu de Hashem, un Palestinien qui nous invite régulièrement à boire le thé. Youssef, il a treize ans et profite actuellement des vacances qui viennent de commencer. Tout comme son tonton, il habite en contrebas d’une colonie israélienne. A une dizaine de mètres. Parmi ses voisins, il y a Baruch Marzel, ex-membre du Kach, organisation déclarée terroriste par l’Etat israélien. Il y a aussi Yifat Alcoby, que l’on peut voir à l’œuvre sur une vidéo disponible en ligne.
Traumatisé, Youssef a fait des cauchemars pendant plusieurs mois. Aujourd’hui, il va mieux. Même beaucoup mieux. Il danse comme un dieu, marque des tas de paniers au basket et fait chavirer le cœur des demoiselles de son école.
Tout comme moi, vous devez certainement vous demander ce qu'il advenu de l’auteure de l’agression, comment la justice et les forces de l’ordre israéliennes traitent de ce genre de cas. Je vais donc tenter, dans mon prochain article, de faire un peu de lumière sur cette zone sombre de la politique de l’Etat hébreux en Cisjordanie.
Exemple de projectiles lancés sur la maison de Hashem.
vendredi 6 juin 2008
"Votre mère est juive ?"
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- Mais votre mère est juive ?
- Non.
- Et votre père ?
- Pas plus.
- Ah bon, j’aurais juré que vous étiez juif.
Quant aux nombre de fois où l’on m’a demandé si j’étais palestinien ou arabe, je ne les compte plus. A plusieurs reprises, des gens m’ont pris pour l’interprète du groupe. Mais pas longtemps. Et pour la parenthèse, on m’appelle Jamal ici ; Jean-Marie est bien trop compliqué à prononcer.
Jusqu'à à présent, j’ai eu une chance incroyable ; c’est toujours des Israéliens qui m’ont pris pour un des leurs et des Palestiniens qui ont pensé que j’étais Palestinien. Jamais le contraire. C’est à la fois pratique quand je veux passer rapidement un check-point et rassurant quand, à Hébron, je rentre à pied à la maison en fin de journée.
Je me suis demandé comment pouvait s’expliquer ce phénomène. Je me suis dit, dans un premier temps, que le fait de me raser chaque fois avant d’aller à Jérusalem, où je rencontre bien plus d’Israéliens, pouvait jouer un rôle. Mais j’ai fini par abandonner cette explication bien légère. Sans en trouver une autre. Ou peut-être que si. Sous la forme d’une question : quelle est la probabilité qu’un Israélien engage la conversation avec un Palestinien (et vice-versa) ?
Après une première expérience rasage difficile dans H1, je suis allé tenter le coup dans H2. Chez Hani. Il ne parle pas l'anglais, a beaucoup de clients (il m'a fallu patienter plus d'une heure), est très fervent (quand ce fut mon tour, il est parti prié à la mosquée d'à côté) et fume comme un pompier. Eh bien, j'y suis déjà retourné deux fois chez Hani. Pourquoi? Parce qu'il prend le plus grand soin de mon visage (zéro coupure) et, surtout, car on arrête pas de rigoler.
mardi 3 juin 2008
Un colon tue des chèvres
Alors qu’il est en train de s’enfuir, le colon remarque que sa plaque d’immatriculation est restée coincée entre les cornes de l’une des chèvres. Il fait marche arrière pour aller la rechercher et tombe alors sur un groupe de soldats israéliens qui a suivi la scène. Il est demandé au colon de décliner son identité. L’information est transmise à la police qui arrivera plus tard sur le lieu du carnage. Le colon, lui, sera déjà reparti.

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Quand la barbarie devient routine
Debout à l’avant du bus, chahuté par la conduite un peu brusque du chauffeur, Yehuda Shaul a autant de peine à trouver l’équilibre que ses mots. Il s’interrompt un instant pour reprendre sa respiration, puis s’essuie le front et poursuit. « Sur le coup, on considérait cette manière d’opérer comme parfaitement sensée. Militairement parlant, c’est cohérent ; cela dissuade les Palestiniens de poser des paquets piégés. Mais humainement parlant ? » Indéfendable. Et c’est bien là où Yehuda veut en venir. Celui qui a servi à Hébron pendant 14 mois au cours de la deuxième intifada veut mettre le doigt sur le processus de corruption morale, d’aliénation, dans lequel sont entraînés les soldats servant dans les Territoires occupés. Et plus encore à Hébron, où « avoir la haine des Palestiniens est la seule façon de survivre physiquement et moralement ».
« C'est arrivé qu'on les étrangle aussi»
Pour mettre en évidence ce phénomène et lancer le débat

« On faisait tout un tas d’expériences avec eux (les Palestiniens). On les alignait, par exemple, contre un mur, comme si on allait les fouiller. On leur demandait ensuite d’écarter les jambes. De les écarter plus, et plus, et plus…c’était un jeu pour voir lequel était le plus souple. C'est arrivé qu'on les étrangle aussi. Un gars effectuait un contrôle puis prétendait que le Palestinien lui manquait de respect pour se foutre en rogne et l’empoigner par le cou…bloquer les voies respiratoires…on ne le relâchait qu’une fois qu’il s’était évanoui. Tout ça, le chrono en main. Celui qui mettait le plus de temps à s’évanouir remportait la mise ».
Les militaires à avoir osé faire le pas de la confession ne sont pas légion. La démarche est loin d’être facile, en témoigne le nombre de ces ex-soldats à avoir demandé que leur identité ne soit pas divulguée. Par crainte de perdre des amis, de s’éloigner de sa famille et de se retrouver en marge d’une société qui marche au pas de charge. Amenée à prendre position sur ces témoignages, l’armée israélienne a qualifié leurs auteurs de « brebis galeuses ».
Un passé qui ne passe pas
Arrêter une voiture sans raison, ramasser les clés, ne jamais les rendre et passer à tabac le conducteur parce qu’il demande à comprendre. Voler, lors de chaque patrouille, du matériel à un garagiste, le revendre pour se faire du fric et rouer de coups ce même garagiste lorsqu’il s’en offusque. Entrer dans une maison palestinienne à trois heures du matin en détruisant le mur du salon à l’explosif, enfermer les parents et les enfants dans une pièce, contrôler leur identité. Puis se faire à manger sur leur cuisinière et détruire la télé en repartant. Tirer sur les réservoirs d’eau installés sur les toits des maisons palestiniennes puis regarder le résultat à la lunette thermique. Se marrer.

A la lecture du recueil, la liste des jeux destructeurs et autres humiliations commises par les conscrits de Tsahal à Hébron paraît sans fin. Une lecture d’autant plus pénible que l’on sent les auteurs de ces brutalités en proie à un profond doute. Certains semblent même torturés. « Moi ? Pourquoi ? » Sortir de son mutisme et témoigner sert donc avant tout à soulager, à comprendre et à digérer un passé qui ne passe pas. Mais aussi à faire évoluer les consciences, à participer à la thérapie d’un Etat hébreu qui n’ose pas se regarder dans la glace. De peur peut-être d’y voir ses démons et de connaître le véritable coût moral d'une occupation longue de quarante ans mais dont on préfère ne pas entendre parler.
dimanche 1 juin 2008
Un petit tour et puis...allez-vous en
Jeudi, 8h30 : départ de Jérusalem. Américains, Allemands, Israéliens, Suédois, Suisse,… journalistes, étudiants, touristes, militants, …nous sommes une trentaine de curieux à grimper dans le bus et à tendre l’oreille. Au micro : Yehuda Shaul, 25 ans qui en paraît 35, large d’épaule et de taille, une kippa sur la tête, une bouille de bon vivant et un goût prononcé pour le spectacle. L’homme est à la tête de Breaking the Silence et a servi, en tant que soldat et commandant d'unité, à Hébron il y a cinq ans de cela.

Yehuda (à dr.) en grande discussion avec un policier
Les 45 minutes de trajet sont l’occasion de faire un historique de la ville, de présenter l’organisation et de revenir sur le déroulement des dernières visites : « Depuis quelques semaines, la police ne nous laisse plus entrer dans la vieille ville. Cela pourrait bien être le cas aujourd’hui mais on va quand même tenter le coup », nous explique Yehuda, le sourire en coin. Arrivé au poste de contrôle à l’entrée d’Hébron, notre guide du jour se cache au fond du bus pour ne pas éveiller les soupçons. La tactique est payante. L’ancien soldat savoure sa première victoire à grand coup d’éclats de rire. L’euphorie est de courte durée ; au volant de sa jeep, un membre de la sécurité des colons nous prend en filature, très rapidement suivi par une voiture de police.
« Ne répondez pas aux provocations »
Notre bus se parque à quelques mètres de l’entrée du souk. Alors qu’il est sur le point de descendre du véhicule, Yehuda nous lance un avertissement : « J’allais oublier…Ne répondez surtout pas aux provocations. Si des colons vous insultent, vous lancent des œufs ou des pierres, ne réagissez pas ; ce serait faire leur jeu ». Silence dans l’assistance. L’ambiance est soudainement plombée. Après coup, un journaliste allemand dira qu’il est sorti du bus la boule au ventre.
Pour nous empêcher de descendre, une femme colon a collé sa voiture contre la porte de notre bus. Les haut-parleurs du centre culturel juif situé à quelques mètres de là crachent une musique assourdissante. Les forces de l’ordre et une poignée de soldats nous entourent rapidement. L’accueil n’est pas des plus chaleureux. Le groupe reste compact autour de notre guide qui parlemente avec les agents. Au bout de quelques minutes débarque un policier en possession d’un document, fraîchement signé, nous interdisant d’accéder au centre-ville…on risque de troubler l’ordre public. Avant de quitter les lieux, Yehuda veut faire un point sur la situation. Mission impossible : un colon hurle des insanités dans un mégaphone afin de couvrir sa voix.

Une partie du comité d'accueil
Le chauffeur reprend donc la route. C’est un mélange d’incrédulité, de soulagement et de déception qu’on peut lire sur les visages des passagers du bus. Notre guide, lui, savoure. Il est transcendé par la confrontation: « Excellent ! Cela vaut toutes explications possibles et imaginables ». Il prend de grandes respirations, il semble emmagasiner l’énergie et le courage nécessaires à la poursuite de sa bataille morale. Breaking the Silence a d’ailleurs saisi la Cour suprême. « Je doute que l’on nous donne tort. A moins qu’on choisisse de faire taire les gens qui pensent différemment. Ce serait digne des années cinquante aux Etats-Unis ».
La visite se poursuivra dans le sud de la Cisjordanie avec, à chaque arrêt, de nouveaux démêlés avec la police et de nouvelles interdictions brandies sous notre nez. Voilà ce que dira, à l’issue du tour, Mike, un Londonien étudiant à l’Université hébraïque de Jérusalem, et ayant travaillé pour le lobby juif à Washington : « Tout cela est d’un ridicule sans nom. Qu’ont-ils à cacher ? J'ai sérieusement l'impression qu'Israël nous ment constamment ». Une chose est certaine, la liberté d'expression est un concept qui sonne de plus en plus creux en Israël.

Lors d'un précédent tour de Breaking the Silence, une femme colon - la même qui a collé sa voiture contre le bus - s'est couchée sous le véhicule. Résultat: l'ONG a été condamnée pour manifestation non autorisée.
samedi 31 mai 2008
A l'écoute des soldats de Tsahal
- Et comment t’y prends-tu pour faire évoluer la situation?
M. doit rester cinq mois et demi à Hébron. De ses trois ans de service obligatoire (les femmes en font deux), il en a déjà fait la moitié. Lorsqu’il aura terminé, il pense faire des études « dans le social » et travailler avec des enfants. A noter que pendant tout le temps de la conversation, aucun écolier n'a vu son sac être fouillé.
Tout baigne, ou presque, au checkpoint.
- Le problème, ce n’est pas les colons, c’est les Arabes. Des terroristes, pour la plupart.
- Il y a souvent des attentats par ici ?
- Non. On arrête les terroristes avant qu’ils passent à l’action. Moi, j’en ai attrapé deux qui se cachaient.
- Il y a sacrément de l’action à Hébron. Les soldats doivent aimer être en service ici, non ?
- Ouais, mais ils préfèrent être à Gaza. Là-bas, on peut tuer les terroristes. Ici, c’est plus difficile.
lundi 26 mai 2008
Vos questions, mes réponses
Derrière le nous que j’emploie souvent se cache une sacrée équipe. Une équipe dans laquelle, en tant que Suisse, ou plutôt de non Scandinave, je fais figure d’îlot d’exotisme. Katarina et
Nous vivons dans un appartement. Une chambre pour les filles, une pour les garçons, un grand salon, une cuisine, une salle de bain et un balcon pour tout le monde.
Notre quartier est plutôt tranquille (c’est quelqu’un qui a le sommeil profond qui vous parle). Il nous faut 20 minutes à pied pour atteindre le centre-ville. La marche est notre principal moyen de déplacement. Enfin, pour l’instant car, avec la chaleur qui devrait nous accompagner prochainement, on pourrait bien opter pour le taxi un peu plus fréquemment. A ce propos, et pour mon plus grand plaisir, le thermomètre n’a encore pas dépassé la barre des 30 degrés. Alliée de circonstance pour bibi, l’altitude (1000m) à laquelle est perchée la ville d’Hébron.
Dernier point que l’on m’a demandé d’éclaircir : les finances. Du billet d’avion aux communications téléphoniques en passant par la nourriture et le logement, l’organisation prend tout en charge. Maintenant, le régime n’est pas exactement le même pour tout le monde. Les Suisses paient pour participer au programme, les Allemands et les Norvégiens ne paient pas et ne sont pas payés, quant aux Suédois, ils reçoivent un salaire mensuel. Tout cela varie en fonction de l’importance de l’implication des Eglises et du gouvernement de chacun des pays. Une différence de traitement certes, mais une différence qui est loin d’être une préoccupation sachant que c’est la défense de certaines idées qui nous fait avancer.
vendredi 23 mai 2008
Jouer sous la pluie

L’agent : « Est-ce un Palestinien qui a lancé les pierres ?»
L’agent : « Est-ce un Palestinien ? ».
Moi : « Non ».
L’agent : En êtes-vous certain ? ».
Moi : « Oui ».
L’agent : « Comment pouvez-vous en être certain ? ».
Moi : « Les pierres ont été lancées depuis Suhada Street. Les Palestiniens n’ont pas le droit d’emprunter cette rue ».
L’agent : « Ok. On envoie une patrouille ».
La patrouille n’est jamais venue. Nous avons repris le jeu quelques minutes plus tard. 18h40 : de nouvelles pierres tombent sur le terrain. Pas plus de blessé. On respire. Puis on rappelle la police. Conversation identique, résultat similaire. L’entraînement terminé, nous décidons donc d’aller au poste de police, déterminés mais sans trop d’illusions, pour déposer plainte. Entrés au poste comme victimes, on en ressortira pour ainsi dire comme accusés. Accusés de déranger la police pour rien du tout.
Il arrive que le ballon passe sous la barrière et se retrouve dans les barbelés. Un balai, de la patience, un dévoué et le tour est joué.
Pour la petite histoire, il est arrivé exactement la même chose lors du précédent entraînement (mais sans le dépôt de la plainte). Jouer au foot à Hébron relève souvent plus de la résistance que du sport. Enfin, pas pour les petits ; ils ont bien trop l’habitude d’être la cible des colons.
Vue aérienne d'une partie du terrain de jeu. Derrière le but, un no man's land puis Suhada Street, d'où ont été lancées les pierres.